La maladie des agglutinines froides
La MAF représente 10 à 20% des AHAI de l’adulte et son incidence annuelle est estimée dans le nord de l’Europe à 1 nouveau cas par million d’habitants; elle se distingue des autres AHAI par ses caractéristiques et ses modalités thérapeutiques. Dans sa forme primitive qui est la plus fréquente, elle s’apparente à une hémopathie lymphoïde B (CD19+ CD20+ k+) de bas grade et s’associe dans près de 90% des cas à la présence d’une IgM kappa monoclonale de faible intensité. Contrairement à la maladie de Waldenström avec laquelle elle peut partager un certain nombre de caractéristiques, la mutation L265P du gène MYD88 n’est pas observé au cours de la MAF et cette dernière semble donc être une entité à part en cours de caractérisation au sein des hémopathies lymphoïdes. Son diagnostic repose sur la mise en évidence d’une anémie hémolytique parfois minime et compensée, d’évolution chronique ± associée sur le plan clinique à une acrocyanose des extrémités lors de l’exposition au froid. Le TDA est positif de type complément (C3d) isolé et des AF sont présentes dans le sérum à un titre significatif (en règle générale ≥ 1/500 à 4°C). Parmi les autres examens à réaliser initialement en cas de suspicion de MAF, l’électrophorèse complétée par une immunoélectrophorèse des protéines sérique à la recherche d’un composant monoclonal est indispensable. Certains auteurs préconisent également un dosage des fractions de la voie classique du complément (CH50, C3 et C4). La réalisation au minimum d’une échographie abdominale, voir d’emblée d’un scanner thoraco-abdomino- pelvien à la recherche d’adénopathies profondes est également recommandée. En ce qui concerne la réalisation systématique d’une biopsie ostéo-médullaire, son intérêt et les implications thérapeutiques qui en découlent sont plus sujets à controverse . Le pronostic de la MAF bien qu’habituellement bon, peut être conditionné par le type et l’évolutivité de l’hémopathie lymphoïde sous-jacente dans les formes secondaires à une hémopathie lymphoïde dûment caractérisée mais également par la sévérité et la fréquence des poussées d’hémolyse. L’hémolyse et surtout les manifestations à type d’acrocyanose sont classiquement favorisées par l’exposition au froid mais des poussées d’hémolyse peuvent également être déclenchées par la survenue d’épisodes infectieux fébriles par le biais d’une activation du complément. Plus que le titre des AF dans le sérum, c’est l’amplitude thermique de l’auto-anticorps qui conditionne le degré de son caractère pathogène.
La prise en charge précoce de tout épisode infectieux et les mesures symptomatiques de protection vis-à-vis du froid sont de fait des éléments importants de la prise en charge des patients atteints de MAF. Outre ces mesures, dans 50% des cas de MAF en moyenne, un traitement s’avère nécessaire du fait de poussées récurrentes d’anémie hémolytique et/ou des manifestations associées. En cas d’anémie profonde et/ou mal tolérée, une transfusion de concentrés érythrocytaires réchauffés à 37°C à l’aide d’un incubateur se justifie. Dans certains cas en cas d’inefficacité des transfusions ou de dépendance transfusionnelle, le recours à un traitement par ASE peut s’avérer utile. La corticothérapie qui n’est efficace sur l’hémolyse au mieux dans 20% des cas doit être évitée dans la MAF car elle expose inutilement les patients souvent âgés à de nombreux effets secondaires. La splénectomie quant à elle doit être proscrite car elle notoirement inefficace en raison du siège essentiellement intra-hépatique de l’hémolyse. L’efficacité des agents alkylants comme le chlorambucil, ou encore du cyclophosphamide per os est médiocre au cours de la MAF ou encore celle de l’interféron-alpha est médiocre et controversée et leur toxicité à moyen et long terme est une limite à leur utilisation prolongée dans la pratique. Dans les formes symptomatiques nécessitant des transfusions régulières, le rituximab seul ou en association à la fludarabine peut en revanche se révéler efficace. Après traitement par le rituximab en monothérapie, le taux de réponse initial est de l’ordre de 50% mais la majorité des patients initialement répondeurs rechutent après 1 an de suivi. Lorsque le rituximab est associé à la fludarabine, les taux comme la durée
de réponses sont meilleurs, mais au prix d’une toxicité importante et potentiellement limitative chez des patients souvent âgés de plus de 65 ans ayant des comorbidités.
Enfin, l’intérêt de l’utilisation d’autres biothérapies telles que notamment l’eculizumab, anticorps monoclonal anti-C5 dont l’efficacité a été démontrée au cours de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne a été rapportée de façon relativement anecdotique. Compte tenu de son coût et en l’absence de données complémentaires, son utilisation ne peut être recommandée en dehors de situations ponctuelles exceptionnelle avec mise en jeu du pronostic vital. Un nouvel anticorps monoclonal ciblant cette fois le C4 est actuellement en cours de développement dans la MAF.